LE RÊVE PASSE
1.
Les soldats sont là-bas, endormis sur la plaine,
Où le souffle du soir chante pour les bercer
La terre aux blés rasés parfume son haleine
La sentinelle au loin va d'un pas cadencé.
Soudain voici qu'au ciel des cavaliers sans nombre
Illuminent d'éclairs l'imprécise clarté
Et le Petit Chapeau, semble guider ces ombres
Vers l'immortalité
Les voyez-vous,
Les hussards, les dragons, la Garde ?
Glorieux fous
D'Austerlitz que l'Aigle regarde
Ceux de Kléber, de Marceau chantant la Victoire,
Géants de fer
S'en vont chevaucher la Gloire.
Mais le petit soldat
Voit s'assombrir le Rêve
Il lui semble là-bas,
Qu'un orage se lève
L'hydre au casque pointu
Sournoisement s'avance
L'enfant s'éveille, ému...
Mais tout dort en silence...
Et dans son coeur le songe est revenu
Les canons
Les clairons !
Ecoutez !
Regardez !
Les voyez-vous
Les hussards, les dragons, la garde,
Ils saluent tous
L'Empereur qui les regarde.
2.
Et dans un pays clair, où la moisson se dore,
L'âme du petit bleu revoit un vieux clocher...
Voici la maisonnette où
Celle qu'il adore,
Attendant le retour, tient son regard penché...
Mais tout-à-coup, douleur !... il la voit plus lointaine
Un voile de terreur a couvert ses yeux bleus !
Encor les casques noirs ! l'incendie... et la haine !
Les voilà ! Ce sont eux !
Les voyez-vous,
Leurs hussards, leurs dragons, leur Garde ?
Sombres hiboux
Entaînant la vierge hagarde !
Le vieux Strasbourg frémit sous ses cheveux de neige !
Mourez, tambours.
Voici le sanglant cortège !
Bientôt le jour vermeil
A l'horizon se lève,
On sonne le réveil
Et c'est encor' le Rêve
Les Géants de l'an deux.
Sont remplacés par d'autres
Et ces soldats joyeux,
France... ce sont les Nôtres.
Blondes aimées, il faut sécher vos yeux !
Ecoutez !
Regardez !
Vos amis.
Les voici !
Les voyez-vous
Les hussards, les dragons, l'Armée ?
Ils mourront tous
Pour la nouvelle Epopée
Fiers enfants
De la race
Sonnez aux champs !
Le rêve passe.