Hier, j'ai revu ma vieille école
Qu'on a gardée en souvenir
Un oeil qui pleure, un qui rigole
L'enfance ne veut plus finir
Comme la neuve a pris sa place
On l'a traînée au bord du bois
Seul le mois d'août y fait la classe
À des fantômes d'autrefois
On pouvait voir, rien que par la fenêtre
Mais j'ai poussé la porte et suis entré
J'ai trouvé le fameux livre du maître
Chacun pourrait le consulter
Dans l'encrier, de l'encre sèche
Au mur l'ancien calendrier
Le même vieux pêcheur qui pêche
Poisson d'octobre en février
Au tableau noir, une sentence
Marquée au coin de l'absolu
On apprend mieux dans le silence
Le silence n'existe plus
Je me suis donc assis à mon pupitre
Du côté nord, entre Paul et Fernand
<<Ouvrez le livre, allons! premier chapitre
L'histoire, c'est un grand roman>>
<<Soyez vêtus comme un dimanche
Car l'inspecteur viendra mardi
Vous répondrez d'une voix franche
Il paraît qu'il est très gentil>>
On lui lisait la belle adresse
Et lui, pour nous réconforter
Ou pour taquiner la maîtresse
Nous disait: <<Je vais vous dicter:
Léo a vu le papa de Nadine
Faire dodo dans le lit de Léa
Papa a dit "Le chat de Léa dîne"
Trois petits points, alinéa>>
<<Tenez-vous droit pour la prière
C'est le beau mois du Sacré-Coeur
Quand on a de belles manières
On peut venir servir au choeur
Avancez-donc, Fernand et Gilles
Vous allez me copier cent fois:
Si la couleuvre est un reptile
Elle est moins sournoise que moi>>
Souris, poissons, vers et tout ce qui grouille
Pauvre maîtresse, elle avait peur de tout
Elle a quitté le jour des trois grenouilles
Ce fut mon dernier mauvais coup
L'après-midi avait mon âge
Le soir tombait, j'étais toujours
Emprisonné au personnage
D'un écolier des anciens jours
J'ai attendu la nuit bien faite
Pour en sortir sans être vu
Fermer sans bruit porte secrète
Sur mon enfance en retenue
J'ai mes devoirs pour plus long que la vie
J'ai mes leçons pour le siècle à venir
Et mademoiselle Mélancolie
N'aurait pas su mieux me punir