Ce soir, la gorge serrée, mon souffle tourne court
Courtise l'explosion comme un compte-à-rebours
Barbarie de mon corps m'ôte la solution
J'inspire tant bien que mal, je sens l'expiration
Je traque le filet d'air et j'espère la brise
L'apnée me tient, me serre, une étreinte, une bise
Les sons voudraient sortir, les notes glisser tout bas
J'essaie oui, mais voilà ce soir je ne chante pas
Ça reste là bloqué, ça reste là au fond
Fondu dans l'épaisseur de ma chape de plomb
La chanteuse bat de l'aile et ces cils immobiles
Observe le goudron qui soudain dégouline
Ça reste là collé, les paroles se sont tues
La mélodie coincée, empêtrée dans la glu
Glacés chaque vertèbre, chaque mouvement, chaque pas
Les phrases aimeraient jaillir mais ce soir je n'chante pas
Des graviers sous ma langue, dans ma gorge, des cailloux
J'essaie, je sème encore mais reste perdue, debout
Au milieu d'une forêt d'ombres et de mots muets
Quand pourtant, dans mon ventre, se jouent des menuets
Le conduit est étroit, le passage est fermé
Les cordes suspendues, l'équilibriste tombée
Pas un bruit, on entend pas un cri, pas une voix
J'voudrais, j'voudrais tu vois mais ce soir je n'peux pas
Ce soir, c'est le silence et la nuit sans écho
La caisse de résonance a lentement pris l'eau
Les poumons pleins de larmes, la poitrine submergée
Je n'ai plus mon remède, je reste là figée
Je guette, je tends l'oreille et j'attends la musique
Prisonnière enfermée dans ma cage thoracique
Démolir ce grand vide, brisé en mille éclats
Demain, demain peut-être, mais ce soir, je n'chante pas