Vous venez d'avoir soixante ans, vous êtes seule dans la vie
Bientôt dix ans que, sans mari, vous regardez passer le temps
Avec votre pension de veuve, sans enfants ni petits enfants
Vous vous dites qu'à soixante ans, il faudrait être au moins grand-mère
Vous qui n'allez plus à la messe, vous qui méprisez le Bon Dieu
Parce que trop de gens malheureux un jour ont cru à ses promesses
Entre l'aiguille et le tricot, le ménage et les courses à faire
Vous ne pensez plus qu'à vous taire et le soir, à vous coucher tôt
Jamais vous n'avez l'impression que vivre sert à quelque chose
Vous n'êtes pas de celles qui osent avoir encore des illusions
Vous avez dit à votre cœur de ne plus chercher à comprendre
Parce que vous pouvez tout entendre, vous ne croyez plus au bonheur
Vous passez au fil des saisons, n'ayant plus peur, n'ayant plus d'âge
En vous disant que d'être sage c'est de ne plus avoir raison
Et vous jouez avec le temps, un peu comme les immortelles
En vous répétant <<Je suis vieille, je viens d'avoir mes soixante ans>>
Moi qui vous vois souvent passer sous les fenêtres de ma chambre
Je voudrais vous faire comprendre qu'on n'est pas vieux à soixante ans
Que tout encore est à refaire et tout est à recommencer
On ne vieillit sur cette terre que lorsque on ne sait plus aimer
Toutes les rides bien tracées par vos souvenirs de jeunesse
N'attendent que de la tendresse pour vous refaire une beauté
Et de sourires habillée, continuez votre voyage
Et votre cœur n'aura d'autre âge que celui que vous vous donnerez.