C'était un homme imaginaire
Imagineur d'objets trouvés
Un inventeur de faits divers
Un rêveur de réalité
Il habitait en solitaire
Une maison du carré Saint-Louis
Deux ou trois chats, beaucoup d'lumière
De temps à autre, un vieil ami
Il aimait l'ordre et la douceur
Et derrière ses petites manies
Se cachait l'idée du bonheur
Sans faire de mal, sans faire de bruit
Mais dans le noir de sa mémoire
S'ouvrait le trou blanc de l'oubli
L'oubli
L'oubli
L'oubli des mots
L'oubli des gestes
Oubli de tout ce temps qui reste
Prisonnier de ce funeste
Oubli
Il avait aimé une femme
Mais c'était il y a très longtemps
Plutôt que d'y laisser son âme
Il avait viré comme le vent
Maintenant, des garçons de passage
Lui dérobaient des bouts d'sa vie
Il dessinait leur doux visage
Eux repartaient sans dire merci
Il notait tout dans un carnet
Le nom des gens
L'odeur des choses
Et quand le vent virait morose
Pour se souvenir, il relisait
Mais il voyait entre les lignes
Grandir le trou blanc de l'oubli
L'oubli
L'oubli
L'oubli des mots
L'oubli des gestes
Oubli de tout ce temps qui reste
Prisonnier de ce funeste
Oubli
Un jour en rentrant du café
Où chaque matin venait s'asseoir
Par le trou blanc de sa mémoire
Il sentit sa vie s'en aller
Il écrivit comme à l'école
Son nom en lettres détachées
Puis il épingla sur le col
De son manteau le bout d'papier
Dans l'eau glacée du Saint-Laurent
Il revit couler son enfance
Et offrit son corps en silence
Au démon qui suit le courant
Je chante
Pour ne pas qu'il meure
Je chante pour tuer l'oubli
L'oubli
L'oubli
L'oubli des mots
L'oubli des gestes
Oubli de tout ce temps qui reste
Prisonnier de ce funeste
Oubli
L'oubli
L'oubli
L'oubli des mots
L'oubli des gestes
Oubli de tout ce temps qui reste
Prisonnier de ce funeste
Oubli