1.
Amis je viens d'avoir cent ans,
Ma carrière est finie,
Mais mon cœur plein de vie
Bat toujours comme au jeune temps
Le printemps parfumé
Le jeu le vin j'ai tout aimé
Le gai tin-tin le glou-glou d'un flacon
Me mettait folie en tête
Et lorsque j'étais pompette
Je me grisais d'une folle chanson
Mais le bruit enchanteur
Qui me faisait battre le cœur
Plan ra-ta-plan ra-ta-plan
C'était ce bruit là mes enfants ;
Vous qui passez là-bas
Sous cette tonnelle, entrez boire
Ah ! buvez jeunes soldats
Le vin du père la Victoire,
Brillant vermeil,
Nectar sans pareil,
Il remplit le cœur de vaillance
Vin de l'Espérance
Buvez enfants
Le vin de mes cent ans.
2.
J'ai soupiré pour Madelon,
Jeannette ou Marguerite
Mon regard flambait vite
Dès que je voyais un jupon
Un corsage fripon,
Ou bien un mollet ferme et rond
Ma lèvre aimait fort à se reposer
Sur un joli menton rose
C'est une bien douce chose
Que le son clair que produit un baiser
Pourtant malgré cela
Le seul bruit qui me pinçait là :
Plan ra-ta-plan ra-ta-plan
C'était ce bruit là mes enfants :
Certes je fus aimé
Bichonné par plus d'une belle
Ah ! corsage parfumé
Cœur frissonnant sous la dentelle,
On m'adorait,
Rien ne résistait,
Maintenant adieu la conquête,
C'est pour vous la fête
Buvez enfants
Le vin de mes cent ans.
3.
J'ai vu la guerre au bon vieux temps
Quand nous faisions campagne
Là-bas en Allemagne
À peine si j'avais vingt ans
Et ce petit ruban
J'ai dû le payer de mon sang,
Pour mériter ce signe vénéré
Il fallait à la Patrie
Trente fois offrir sa vie,
Oui, c'est ainsi qu'on était décoré
Alors un Sénateur
N'eut pas vendu la croix d'honneur
Plan ra-ta-plan ra-ta-plan
L'étoile était au plus vaillant
Quand je vois nos soldats
Passer joyeux, musique en tête
Ah ! je dis marquant le pas
Comme jadis, la France est belle,
Comme autrefois,
Soldats je revois
Carnot décrétant la victoire,
Marchez à la gloire,
Mes chers enfants,
Revenez triomphants.