Je me méfie des mots que revêt l'évidence,
Ils s'usent plus souvent qu'on ne la voit fleurir
Quand maladroitement ils tentent d'invertir
Attirance et passion, hasard et providence.
Je me méfie des mots qui brûlent dans ma bouche
Et cherchent à tout prix le prix de chaque chose
De ces mots qui oublient, à la vue d'une rose,
Qu'à tout nommer la beauté, jamais on ne la touche.
Je me méfie des mots, je me méfie des mots.
Je me méfie des mots qui sont comme la poudre
Et qui, comme la poudre, parlent trop souvent
Qui mettent des habits et contours au vent
Lorsqu'il vient asséner son premier coup de foudre.
Je me méfie des mots....
Je me méfie des mots qui sifflent sur nos têtes,
Et qui disent << je suis >> alors que je deviens
Faisant un pays de ce qui n'est qu'un chemin
Ne coiffons que les morts de nos beaux épithètes.
Je me méfie des mots...
Des mots pour dire << paradis >>, pour dire << le temps >> et << la douleur >>
Pour voir la couleur et entendre le bruit
Des mots, des mots finis, des mots précis comme des tombes
Pour faire entrer le monde dans ce qu'on en a compris
Des mots pour ourler l'infini, pour conjurer la peur
Et donner au malheur des noms de maladie.
Aux larmes les parleurs et feu(e) la poésie
Dites << silence >>, il n'est plus,
Dites << grâce >>, elle n'est plus,
Dites << instant >>, disparu,
Dites << amour >>... c'est foutu.