A la première de Lohengrin,
Un de nos fils de France,
Afin de prouver son dédain
Et son indépendance,
Cria : "Vive Wagner !
A bas la République !"
Tout d'suite il fut bouclé :
Vive la liberté !
Dix ans après, il se rendit
A l'Opéra-Comique;
On jouait du Vincent d'Indy;
Il trouv' ça magnifique :
Il crie : "A bas Wagner !
Vive la République !"
Tout d'suite, il fut bouclé :
Vive la liberté !
Lorsque te Tzar vint à Paris
S'balader en voiture,
Notr' bon jeune homm' poussa deux cris
De différent' nature :
Il cria : "Vive l'Emp'reur !
A bas la République !"
Tout d'suit, il fut bouclé :
Vive la Liberté !
Plus tard, et par désoeuvrement,
Il s'en fut en Russie,
Disant : "]'veux pas m'fair' foutr' dedans,
Ça deviendrait un' scie !
Il crie : "A bas l'Emp'reur !
Vive la République !"
Tout d'suite, if fut bouclé :
Vive la Liberté !
Au meeting de la sall' Lévis,
D' Reinach goûtant la prose,
Il risqua timid'ment deux cris,
Ayant compris la chose;
C'était : "Vive Drumont !
A bas la République !"
Tout d'suite, il fut bouclé :
Vive la Liberté !
Comm' ça tournait à l'obsession,
Il part pour l'Algérie;
Le soir d'un' manifestation,
Place de la Mairie,
Il crie : "A bas Drumont !
Vive la République !"
Tout d'suite, il fut bouclé :
Vive la Liberté !
MORALITE (ad libitum)
Il résolut, sortant d'prison,
A ses cris d'mettre un terme,
Lorsqu' il vit que, d'vant sa maison,
On manifestait ferme;
Il ne cria rien du tout...
La foule prit mal la chose;
Tout d'suite, fut écharpé :
Vive la Liberté !!!
Il résolut, sortant d'prison,
De se tenir tranquille,
Lorsqu'en rentrant, d'vant sa maison
Il vit un sergent d'ville !
Il cria: "Viv' l'armée !"
L'agent prit mal la chose,
Et d'un coup d'poing l'a tué !
Vive la Liberté !